Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/570

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
560
LES FEMMES SAVANTES.

Philaminte.
Si vous jugez de lui tout autrement que nous,
C’est que nous le voyons par d’autres yeux que vous.


Scène III.

Trissotin, Philaminte, Armande, Clitandre.


Trissotin, à Philaminte.
Je viens vous annoncer une grande nouvelle[1] :
Nous l’avons, en dormant, madame, échappé belle.
Un monde près de nous a passé tout du long,
Est chu tout au travers de notre tourbillon ;
Et s’il eût en chemin rencontré notre terre,
Elle eût été brisée en morceaux comme verre.

Philaminte.
Remettons ce discours pour une autre saison,
Monsieur n’y trouveroit ni rime ni raison,
Il fait profession de chérir l’ignorance,
Et de haïr, surtout, l’esprit et la science.

Clitandre.
Cette vérité veut quelque adoucissement.
Je m’explique, madame ; et je hais seulement
La science et l’esprit qui gâtent les personnes.
Ce sont choses, de soi, qui sont belles et bonnes ;
Mais j’aimerois mieux être au rang des ignorants,
Que de me voir savant comme certaines gens.

Trissotin.
Pour moi, je ne tiens pas, quelque effet qu’on suppose,
Que la science soit pour gâter quelque chose.

Clitandre.
Et c’est mon sentiment qu’en faits comme en propos
La science est sujette à faire de grands sots.

Trissotin.
Le paradoxe est fort.

Clitandre.
Le paradoxe est fort. Sans être fort habile,
La preuve m’en seroit, je pense, assez facile.
Si les raisons manquoient, je suis sûr qu’en tout cas

  1. Cotin avait composé et publié une dissertation fort longue et fort ridicule qui porte le titre de Galanterie sur la Comète apparue en décembre 1664 et janvier 1665. L'entrée de Trissotin fait allusion à cette pièce vraiment curieuse. (Aimé Martin.)