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ACTE V, SCÈNE IV.


Philaminte.
Et moi, pour trancher court toute cette dispute,
Il faut qu’absolument mon desir s’exécute.
(Montrant Trissotin.)
Henriette, et monsieur seront joints de ce pas.
Je l’ai dit, je le veux : ne me répliquez pas ;
Et, si votre parole à Clitandre est donnée,
Offrez-lui le parti d’épouser son aînée.

Chrysale.
Voilà dans cette affaire un accommodement[1].
(À Henriette et à Clitandre.)
Voyez ; y donnez-vous votre consentement ?

Henriette.
Hé ! mon père !

Clitandre.
Hé ! mon père ! Hé ! monsieur !

Bélise.
Hé ! mon père ! Hé ! monsieur ! On pourroit bien lui faire
Des propositions qui pourraient mieux lui plaire ;
Mais nous établissons une espèce d’amour
Qui doit être épuré comme l’astre du jour ;
La substance qui pense y peut être reçue ;
Mais nous en bannissons la substance étendue.


Scène IV.

Ariste, Chrysale, Philaminte, Bélise, Henriette, Armande, Trissotin, un notaire, Clitandre, Martine.


Ariste.
J’ai regret de troubler un mystère joyeux,
Par le chagrin qu’il faut que j’apporte en ces lieux.
Ces deux lettres me font porteur de deux nouvelles
Dont j’ai senti pour vous les atteintes cruelles :
(À Philaminte.)
L’une, pour vous, me vient de votre procureur ;
(À Chrysale.)
L’autre pour vous, me vient de Lyon.

  1. Chrysale est un personnage tout comique de caractère et de langage ; il a toujours raison, mais il n’a jamais une volonté ; il parle d’or, et, après avoir mis la main de sa fille Henriette dans celle de Clitandre, et jure de soutenir son choix, il trouve tout simple de donner cette même Henriette à Trissotin, et sa sœur Armande à l’amant d’Henriette ; il appelle cela un accommodement ! Ce dernier trait est celui qui peint le mieux cette foiblesse de caractere, de tous les défauts le plus commun, et peut-être le plus dangereux. (La Harpe.)