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LETTRE XXXIII.



LETTRE XXXIII.

USBEK A RHEDI.

A VENISE.

Le vin est si cher à Paris, par les impôts que l’on y met, qu’il semble qu’on ait entrepris d’y faire exécuter les préceptes [1] du divin Alcoran, qui défend d’en boire.

Lorsque je pense aux funestes effets de cette liqueur, je ne puis m’empêcher de la regarder comme le présent le plus redoutable que la nature ait fait aux hommes. Si quelque chose a flétri la vie et la réputation de nos monarques, ç’a été leur intempérance ; c’est la source la plus empoisonnée de leurs injustices et de leurs cruautés.

Je le dirai, à la honte des hommes : la loi interdit à nos princes l’usage du vin, et ils en boivent avec un excès qui les dégrade de l’humanité même ; cet usage, au contraire, est permis aux princes chrétiens, et on ne remarque pas qu’il leur fasse faire aucune faute. L’esprit humain est la contradiction même. Dans une débauche licencieuse, on se révolte avec fureur contre les préceptes ; et la loi, faite pour nous rendre plus justes, ne sert souvent qu’à nous rendre plus coupables.

Mais, quand je désapprouve l’usage de cette liqueur,

  1. A. Le précepte