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GRANDEUR ET DÉCADENCE


Régille, elles furent soumises à une alliance et une société[1]. de guerres avec les Romains.

On vit manifestement, pendant le peu de temps que dura la tyrannie des Décemvirs, à quel point l’agrandissement de Rome dépendait de sa liberté : l’État sembla avoir perdu[2] l’âme qui le faisait mouvoir.

Il n’y eut plus dans la Ville que deux sortes de gens : ceux qui souffraient la servitude, et ceux qui, pour leurs intérêts particuliers, cherchaient à la faire souffrir. Les sénateurs se retirèrent de Rome comme d’une ville étrangère, et les peuples voisins ne trouvèrent de résistance nulle part.

Le sénat ayant eu le moyen de donner une paye aux soldats, le siège de Véïes fut entrepris ; il dura dix ans. On vit un nouvel art chez les Romains et une autre manière de faire la guerre : leurs succès furent plus éclatants ; ils profitèrent mieux de leurs victoires ; ils firent de plus grandes conquêtes ; ils envoyèrent plus de colonies ; enfin, la prise de Véïes fut une espèce de révolution.

Mais les travaux ne furent pas moindres. S’ils portèrent de plus rudes coups aux Toscans, aux Èques et aux Volsques, cela même fit que les Latins et les Herniques, leurs alliés, qui avaient les mêmes armes et la même discipline qu’eux, les abandonnèrent ; que des ligues se formèrent chez les Toscans ; et que les Samnites, les plus belliqueux de tous les peuples de l’Italie, leur firent la guerre avec fureur.

  1. Voyez dans Denys d’Halicarnasse liv. VI, un des traités faits avec eux, (M.)
  2. Sous prétexte de donner au peuple des lois écrites, ils se saisirent du gouvernement. Voyez Denys d’Halicarnasse, liv. XI. (M.) Conf. Esprit des lois, XI, XV.