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DES ROMAINS, CHAP. II.


ou qu’ils voulurent réparer quelque perte, ce fut une pratique constante chez eux d’affermir la discipline militaire[1]. Ont-ils à faire la guerre aux Latins, peuples aussi aguerris qu’eux-mêmes ? Manlius songe à augmenter la force du commandement et fait mourir son fils, qui avait vaincu sans son ordre. Sont-ils battus à Numance ? Scipion Émilien les prive d’abord de tout ce qui les avait amollis[2]. Les légions romaines ont-elles passé sous le joug en Numidie ? Métellus répare cette honte dès qu’il leur a fait reprendre les institutions anciennes. Marius, pour battre les Cimbres et les Teutons, commence par détourner les fleuves, et Sylla fait si bien travailler[3] les soldats de son armée, effrayée de la guerre contre Mithridate, qu’ils lui demandent le combat comme la fin de leurs peines.

Publius Nasica, sans besoin, leur fit construire une armée navale[4]: on craignait plus l’oisiveté que les ennemis.

Aulu-Gelle[5] donne d’assez mauvaises raisons de la coutume des Romains de faire saigner les soldats qui avaient commis quelque faute : la vraie est que, la force étant la principale qualité du soldat, c’était le dégrader que de l’affaiblir[6].

Des hommes si endurcis[7] étaient ordinairement sains.

  1. Bossuet, Discours sur l'histoire universelle IIIe partie, ch. VI. « La discipline militaire est la chose qui a paru la première dans leur état, et la dernière qui s’y est perdue ; tant elle était attachée à la constitution de leur république. »
  2. Il vendit toutes les bêtes de somme de l’armée, et fit porter à chaque soldat du blé pour trente jours, et sept pieux, (Somm. de Florus, liv. LVII). (M.)
  3. Frontin, Stratagèmes, liv. I, ch. XI et XX. (M.)
  4. Une flotte.
  5. Liv. X, ch. VIII. (M.)
  6. Ce paragraphe manque dans A.
  7. Ces homme si endurcis, etc.