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concurrence tend sans cesse à ramener le prix de vente au voisinage du prix de revient. On voit donc que l’égalité des prix de revient et de vente constitue la position limite autour de laquelle oscille l’équilibre de la production. Or, étant donné que Walras s’est placé à un point de vue exclusivement statique pour étudier les conditions de l’équilibre économique, il est bien légitime qu’il n’ait pris en considération que le phénomène moyen sans se préoccuper de ses modifications accidentelles. D’ailleurs les oscillations autour de cette position moyenne sont d’une amplitude suffisamment petite, pour que l’erreur commise en les négligeant ne créa pas ipso facto un fossé infranchissable entre la théorie et la réalité. L’expérience montre en effet que le seul revenu normal de l’entrepreneur est celui qu’il touche à titre de travailleur (comme directeur de son entreprise) ou comme capitaliste, et que le surplus, le profit, n’est qu’une bonne fortune accidentelle[1]. M. Pareto a mis nettement ce fait en évidence en montrant qu’en tenant compte de toutes les circonstances accidentelles (risques, etc.), les dividendes des sociétés anonymes se capitalisent finalement à un taux à peu près équivalent à celui des valeurs à revenu fixe.

Il y a cependant deux sources de profits susceptibles d’être permanents dont on ne saurait nier l’existence. La première consiste en ce que certains entrepreneurs jouissent d’une situation privilégiée qui leur permet de produire à des conditions plus avantageuses que leurs concurrents, sans que leur production soit suffisante pour alimenter le marché, de telle sorte que ces concurrents peuvent subsister à leur côté. Dans cette occurrence, en effet, le prix de vente, qui est nécessairement égal au prix de revient le plus élevé, laisse un bé-

  1. Cf. Ch. Gide, Cours… [p. 102], 1. III, part. II, ch. iv, sect. ii.