Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/119

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il adviendra qu’on pose en principe une exclusion ou un mépris pareil. Chacun est libre de se choisir son entourage ; et il semble difficile d’en vouloir à l’Européen qui préfère la conversation avec des compatriotes, à la fréquentation de gens, qui, — sauf leur plus ou moins de valeur personnelle, — ne partagent ni ses impressions ni ses idées ; et c’est du reste, là dedans, qu’il nous faut chercher la cause capitale de tout conflit de civilisation — ou bien, dont les préjugés ont pris une autre direction que les siens propres.

Un Lippu, — pour employer un terme plus poli, il me faudrait dire : un soi-disant enfant indigène ; on me permettra donc de me servir de la première expression à laquelle je désire enlever tout sens blessant, ne voyant pas, après tout, quelle signification blessante peut avoir ce mot là ; — un Lippu a beaucoup de bon ; l’Européen en a tout autant. Tous les deux ont des défauts. Ils se ressemblent donc, en cela. Mais le bon et le mauvais qu’ils possèdent tous les deux se ressemblent si peu, qu’en général leur conversation ne peut leur procurer aucun agrément réciproque. En outre — et voilà qui concerne le Gouvernement — le Lippu manque le plus souvent d’instruction. Il n’est pas question de savoir ce que serait l’Européen, si dès son enfance on l’avait arrêté dans son développement intellectuel ; mais il est certain que l’ignorance primitive du Lippu est le principal obstacle qui l’empêche de marcher de pair avec l’Européen, même là, où comme individu, il mériterait la préférence dans une question de civilisation, de science ou d’art.

En cela, nous autres Hollandais, nous n’avons rien inventé. Ce fut la politique de Guillaume le Conqué-