Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/120

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apercevoir. De quoi l’avait-il menacée pour la déterminer à venir ? Je l’ignorais. — Mademoiselle, lui dis-je, il ne faut pas vous chagriner. Allez chez vous et ne craignez rien. Elle répondit que, si elle sortait de ma chambre avant le lendemain matin, Desgenais la renverrait à Paris ; que sa mère était pauvre et qu’elle ne pouvait s’y résoudre. — Très bien, lui dis-je ; votre mère est pauvre, vous aussi probablement, en sorte que vous obéiriez à Desgenais si je voulais. Vous êtes belle, et cela pourrait me tenter. Mais vous pleurez, et vos larmes n’étant pas pour moi, je n’ai que faire du reste. Allez-vous-en, et je me charge d’empêcher qu’on ne vous renvoie à Paris.

C’est une chose qui m’est particulière, que la méditation, qui, chez le plus grand nombre, est une qualité ferme et constante de l’esprit, n’est en moi qu’un instinct indépendant de ma volonté, et qui me saisit par accès comme une passion violente. Elle me vient par intervalles, à son heure, malgré moi, et n’importe où. Mais là où elle vient, je ne puis rien contre elle. Elle m’entraîne où bon lui semble, et par le chemin qu’elle veut.

Cette femme partie, je me mis sur mon séant. — Mon ami, me dis-je, voilà ce que Dieu t’envoie. Si Desgenais ne t’avait pas voulu donner sa maîtresse, il ne se trompait peut-être pas en croyant que tu en serais devenu amoureux.

L’as-tu bien regardée ? Un sublime et divin mystère