Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/133

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monstres grimaçants volent en rond ; ils pouffent de rire et s’engouffrent. Un cheval emporté passe comme un éclair ; le vent siffle, une flèche le suit. La nuit arrive ; les pierres tremblent de froid ; un voyageur perdu se couche dans la neige en pleurant. Une ombre paraît à l’horizon sur le sommet d’une montagne ; elle se penche sur une cascade et glisse dans la nappe immense comme une plume légère. Le cor retentit, des chiens aboient ; des chasseurs, les bras retroussés jusqu’au coude, dépècent une biche ; ils s’essuient le front ; un soleil de plomb les étouffe ; ils s’approchent d’une citerne pour y boire, et ils aperçoivent au fond un crocodile mort. Silence ! une rivière limpide coule là auprès entre des saules ; Ophélia, couverte de fleurs, y flotte doucement. Longues, maigres, fluettes, des mains s’agitent sur une table ; elles coupent et donnent ; elles agitent des cartes. Des poupées mécaniques dansent autour ; elles sont transparentes et vides ; le vin qu’elles boivent colore leurs veines un instant, elles mangent de l’or. Une douce musique tremble dans les feuilles ; le tonnerre qui gronde la saisit et l’emporte comme un épervier affamé. Silence, silence ! le jour se lève, la rosée tombe ; une alouette sort d’un sillon et s’en va mourir dans les cieux.

Lecteur,] s’il faut parler des femmes, j’en citerai deux ; en voici une.

Je vous le demande ; que voulez-vous que fasse une pauvre lingère, jeune et jolie, ayant dix-huit ans, et par