Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/99

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de ces flèches, la plus légère, la plus futile, qui s’enlève à perte de vue, par delà l’horizon, dans le sein immense de Dieu.

Avec quelle violence nous sommes saisis alors ! Que deviennent ces fantômes de l’orgueil tranquille, la volonté et la prudence ? La force elle-même, cette maîtresse du monde, cette épée de l’homme dans le combat de la vie, c’est en vain que nous la brandissons avec colère, que nous tentons de nous en couvrir pour échapper au coup qui nous menace ; une main invisible en écarte la pointe, et tout l’élan de notre effort, détourné dans le vide, ne sert qu’à nous faire tomber plus loin.

Ainsi, au moment où je n’aspirais qu’à me laver de la faute que j’avais commise, peut-être même à m’en punir, à l’instant même où une horreur profonde s’emparait de moi, j’appris que j’avais à soutenir une dangereuse épreuve, à laquelle je succombai.

Desgenais était radieux ; il commença, en s’étendant sur le sofa, par quelques railleries sur mon visage, qui, disait-il, n’avait pas bien dormi. Comme j’étais assez peu disposé à soutenir ses plaisanteries, je le priai sèchement de me les épargner.

Il n’eut pas l’air d’y prendre garde ; mais, sur le même ton, il aborda le sujet qui l’amenait. Il venait m’apprendre que ma maîtresse avait eu non seulement deux amants à la fois, mais trois, c’est-à-dire qu’elle avait traité mon rival aussi mal que moi ; ce que le pauvre garçon ayant appris, il en avait fait un bruit