Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, vol. II, 1836.djvu/39

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envies qui lui prenaient, disait-elle, de quitter le pays, et me rendaient plus mort que vif quand je les entendais. Si elle se livrait un instant à un mouvement naturel, elle se rejetait aussitôt dans une froideur désespérante. Je ne pus m’empêcher un jour de pleurer de douleur devant elle, de la manière dont elle me traitait. Je l’en vis pâlir malgré elle. Comme je sortais, elle me dit à la porte : « Je vais demain à Sainte-Luce (c’était un village des environs), et c’est trop loin pour aller à pied. Soyez ici à cheval, de bon matin, si vous n’avez rien à faire ; vous m’accompagnerez. »

Je fus exact au rendez-vous, comme on peut penser. Je m’étais couché sur cette parole avec des transports de joie ; mais, en sortant de chez moi j’éprouvai au contraire une tristesse invincible. En me rendant le privilège que j’avais perdu de l’accompagner dans ses courses solitaires, elle avait cédé clairement