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DON PAEZ

Mais dès que son regard, plus terrible et plus prompt
Qu’une flèche, eut atteint le redoutable don,
Il recula soudain de douleur et de haine,
Comme un taureau qu’un fer a piqué dans l’arène :
"Jeune homme, cria-t-il, as-tu dans quelque lieu
Une mère, une femme ? ou crois-tu pas en Dieu ?
Jure-moi par ton Dieu, par ta mère et ta femme,
Par tout ce que tu crains, par tout ce que ton âme
Peut avoir de candeur, de franchise et de foi,
Jure que ces cheveux sont à toi, rien qu’à toi !
Que tu ne les as pas volés à ma maîtresse,
Ni trouvés, — ni coupés par derrière à la messe !
— J’en jure, dit l’enfant, ma pipe et mon poignard.
— Bien ! reprit don Paez, le traînant à l’écart,
Viens ici, je te crois quelque vigueur à l’âme.
En as-tu ce qu’il faut pour tuer une femme ?
Frère, dit don Etur, j’en ai trois fois assez
Pour donner leur paiement à tous serments faussés.
— Tu vois, prit don Paez, qu’il faut qu’un de nous meure.

Jurons donc que celui qui sera dans une heure
Debout, et qui verra le soleil de demain,
Tuera la Juana d’Orvado de sa main.
— Tope, dit le dragon, et qu’elle meure, comme
Il est vrai qu’elle va causer la mort d’un homme."

Et sans vouloir pousser son discours plus avant,
Comme il disait ce mot, il mit la dague au vent.

Comme on voit dans l’été, sur les herbes fauchées,
Deux louves, remuant les feuilles desséchées,