Page:Nadaud - Chansons à dire, 1895.djvu/330

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Il avait soif, je le fis boire :
D’un trait il vida mon bidon.
Puis je l’appuyai contre un arbre,
Et j’essuyai son front glacé.
Son front sentait déjà le marbre !
S’il pouvait n’être que blessé !…

Ah ! que maudite soit la guerre,
Qui fait faire de ces coups-là !
Qu’on verse dans mon verre
Le vin de Marsala !

Je voulus panser sa blessure ;
J’ouvris son uniforme blanc.
La balle, sans éclaboussure,
Avait passé du cœur au flanc.
Entre le drap et la chemise,
Je vis le portrait en couleur
D’une femme vieille et bien mise,
Qui souriait avec douceur.
Depuis, j’ai vécu Dieu sait comme !
Mais tant que cela doit durer,
Je verrai mourir le jeune homme
Et la bonne dame pleurer !

Ah ! que maudite soit la guerre
Qui fait faire de ces coups-là !
Qu’on emporte mon verre !
C’était à Marsala !…