Page:Nerciat - Félicia.djvu/105

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dessein de convenance. Je fus piquée de me voir traitée avec indifférence par un sot, pour qui je faisais beaucoup, car il m’arrivait souvent de le reconduire presque nue et de m’envelopper en cet état dans son manteau, sous prétexte du froid, mais en effet pour lui faire sentir de bien près la douce chaleur et la fermeté de mon embonpoint. Je lui parlais sans cesse du bonheur qu’avait Mlle Éléonore de posséder un cavalier aussi aimable. — Que faites-vous donc pendant de si longs moments que vous passez ensemble ? lui dis-je une nuit que je le retenais sous prétexte de laisser un peu tourner la lune, dont les rayons donnaient précisément sur la porte par laquelle il devait se retirer. Vous faites sans doute bien des folies avec ma maîtresse ? — Moi ! Oh ! pour cela non. Avant que le Seigneur me permette de jouir légitimement de Mlle Éléonore, quand elle se livrerait à moi, ce qui est très éloigné de ses sentiments chrétiens, je ne voudrais assurément pas profiter de sa faiblesse. — Mais si elle vous tenait des propos bien tendres… qu’elle vous embrassât… comme cela, en vous disant : Mon cher Caffardot, je meurs d’amour pour toi, tu es adorable… — Finissez donc, mademoiselle Thérèse. Fi ! embrasse-t-on ainsi les garçons ? — Puis il crachait et essuyait ses lèvres avec un air d’humeur. Ma foi, mademoiselle, après cette première démarche, je n’avais plus rien à ménager : faisant donc semblant de poursuivre un rôle de comédie et parlant toujours au nom d’Éléonore, je poussai l’égarement jusqu’à défaire deux boutons…, mais contre mon attente, trouvant là quelque chose d’inanimé, je vis échouer mes chères espérances. — En vérité, mademoiselle Thérèse, interrompis-je, vous étiez une grande coquine. — Que voulez-vous, mademoiselle, répliqua-t-elle sans trop se déconcerter, une pauvre fille qui est dans le cas de placer un enfant et qui meurt d’envie de ce qui en fait faire perd aisément la tête. C’est la misère qui fait voler sur les grands chemins.

« Enfin donc, je ne vins à bout de rien : je vis l’instant où mon vilain crierait à la violence et me donnerait des coups de poing. Je voulus alors changer de rôle et lui dis,