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CHAPITRE XIII


À quel prix Caffardot retrouve sa culotte.


Sylvina et Lambert écoutaient le chevalier avec beaucoup d’intérêt ; mais si cette histoire pouvait les amuser, elle était surtout délicieuse pour moi. Je jouissais seule de tout le comique du rôle du chevalier et du parfait ridicule du rôle d’Éléonore. Je mourais d’envie de mettre les autres un peu plus au fait ; mais d’Aiglemont, d’un coup d’œil fin, m’imposa silence et continua : — « J’ai paru chez Caffardot avec un visage triste et courroucé. Il était au lit. Au bruit que j’ai fait en entrant, il a détourné ses rideaux ; l’aspect de la terrible culotte l’a fait frémir ; une pâleur mortelle a défiguré son visage, ç’a été bien pis quand le président est survenu, transporté de fureur, faisant en conséquence des grimaces d’énergumène. J’avais discrètement attendu celui-ci pour parler ; immobile, je m’étais contenté d’exposer la culotte aux yeux de l’accusé, comme une autre tête de Méduse.

« Aussitôt, le président, dont la rage redoublait à la vue de l’auteur prétendu de sa honte, a pris une canne et s’est mis à frapper de toute sa force sur le pauvre Caffardot, qui, malgré les couvertures, devait très bien sentir les coups ; je ne me suis point exposé à cette première explosion, parce que je connais le cœur humain et que je sais que, lorsqu’on s’est livré sans contrainte à ces sortes de transports, le moment qui les suit est celui de la clémence et des accommodements. Cependant, suffoqué de colère et las de battre, le président s’est jeté dans un fauteuil, déplorant avec beaucoup de galimatias son malheur, sa confiance abusée, sa fille perdue de réputation et privée sans doute pour jamais de l’espoir d’un honorable établissement.