Page:Nerciat - Félicia.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieu. Vous ne vous en ferez pas une idée juste, multitude libertine, aux plaisirs de qui l’amour et la volupté ne présidèrent jamais, et qui vous rassasiez sans choix de saveurs vénales, lorsqu’un besoin incommode aiguillonne vos sens grossiers.

Qu’il était intéressant, ce cher Géronimo, les yeux étincelants des feux du désir, visage embelli de l’aurore du bonheur ! qu’il avait de grâces à mes pieds, serrant contre mes genoux sa poitrine palpitante, osant à peine combler ses vœux et les miens, quoique mon trouble et ma retraite eussent assez annoncé que je n’avais plus rien à lui refuser : ses mains semblaient respecter encore mes appas ou redouter le feu dont ils étaient consumés. Sa bouche tenait la mienne fermée, comme s’il eût craint d’entendre révoquer la permission qu’il avait de devenir heureux. Nous n’allions pas au bonheur avec la rapidité du trait qui vole à son but ; mille gradations délicates nous y conduisaient lentement, la mèche brûlait avec économie ; des plaisirs inexprimables suspendaient l’explosion des flammes dont nous étions intérieurement embrasés. Le premier instant où nos âmes se confondirent fut un éclair. La foudre du plaisir nous anéantit…

Nous goûtâmes mieux, un moment après, les douceurs dont nous venions de nous ouvrir la source. Ce fut alors que nous jouîmes en nous possédant et que nous pûmes apprécier les expressions flatteuses dont nous nous caressions réciproquement pendant que nos âmes se préparaient à une seconde réunion. Le même instant nous priva derechef de toutes les facultés de notre être. Déjà les plaies de nos cœurs étaient guéries. Parfaitement contents l’un de l’autre, nous prononcions dans l’ivresse de notre félicité le serment de nous aimer toujours…

Bientôt mon nouvel amant prit une nouvelle possession du trésor dont l’amour venait de le rendre maître. Lorsque, les yeux éblouis du soleil, on passe tout à coup dans un lieu sombre, on n’y distingue d’abord aucun objet ; tel, revenu de son étourdissement, Fiorelli me parcourait avec surprise