Page:Nerciat - Félicia.djvu/264

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gré la malice de mes agresseurs, toute l’autorité dont j’avais besoin pour être utile à mon amie. Elle ne fut pas plus tôt hors d’affaire que, reconnaissant toute l’étendue de sa sottise et tout le prix de mon attachement, elle revint à moi et me pria d’oublier toutes ses injustices. Elles étaient pardonnées d’avance, je la rappelai par degrés à la raison, en lui faisant des remontrances dont la modération la faisait rougir de la dure importunité qu’elle avait mise dans les siennes. Elle se repentit, se proposa d’abjurer de nouveau la fatale dévotion ; mais il était arrivé un malheur que je la flattais en vain de voir un jour réparé. Elle était défigurée. Cependant je la tirai de son maudit couvent. On lui rendit à cette occasion tout ce qu’elle m’avait prêté. Dix fois elle fut sur le point de se replonger dans le précipice, mais le naturel et mes instances prévalurent. Je la ramenai chez moi. Nous vécûmes mieux que jamais ensemble. Sa santé se rétablit. Ses idées noires s’évanouirent peu à peu. Je plaçai près d’elle le malheureux comte, toujours mourant, toujours mélancolique, mais assez aimable. Il ne la quittait pas. Quant à moi, je recommençai de vivre comme de coutume. Milord Sydney continuait de m’aimer, de m’écrire et d’entretenir ma maison sur le plus grand ton. Je voyais quelquefois les lords Kinston et Bentley. J’étais de tous les plaisirs. En un mot, j’avais atteint le plus haut degré de bonheur et de célébrité auquel une femme de mon état puisse prétendre. Ces deux avantages sont rarement séparés. Le bonheur, l’opulence seule assure aux femmes une grande réputation. Combien n’en voit-on pas demeurer dans l’oubli, parce qu’elles n’ont que des talents et des charmes ?