Page:Nerciat - Félicia.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant il n’avait pas été maître de dissimuler la surprise que lui causait le prodigieux changement du visage de Sylvina ; le mouvement qu’il fit quand notre amie s’approcha pour l’embrasser n’échappa point à celle-ci : — Avouez, milord, dit-elle, en faisant des efforts pour paraître sereine et même assez gaie, avouez qu’ailleurs que chez moi vous ne m’auriez point reconnue ? — Puis cette naïveté qui se concilie si singulièrement chez les femmes avec leur dissimulation naturelle lui fit ajouter : — Que cette petite folle est heureuse d’avoir payé dès son enfance, et à si bon marché, le tribut fatal qui m’a tout enlevé !

Je fus un peu piquée de ce mouvement jaloux, qui me prouvait que, malgré l’amitié la plus sincère, une femme enlaidie ne pardonne point à celle qui conserve de la beauté.




CHAPITRE XIX


Court, mais intéressant.


Milord Sydney nous donna la soirée : le ton amical qu’il eut avec moi m’eut bientôt rassurée : je me remis à mon aise par degrés. Nous parlâmes librement de toutes nos affaires et même de la dernière lettre qu’il m’avait écrite. — Je vous connais assez, me dit-il, pour ne pas craindre que ma franchise vous ait déplu. Je pense aussi, ma chère Félicia, que vous m’estimez trop pour imaginer que, retrouvant Zéila, je cesse de vous être attaché. J’ai beau l’aimer, j’éviterais de la revoir si le bonheur de vivre avec elle était attaché au chagrin de n’être plus votre ami. Je me charge du soin de votre fortune. La mienne me met à même de soutenir dans tous les temps votre maison sur le plus excellent ton, et… — Milord, interrompis-je, si vous