Page:Nerciat - Félicia.djvu/302

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venait de se consommer. Le soldat se débattait pour s’échapper des bras de son empoisonneuse, qui, moitié frayeur, moitié tempérament, le pressait fortement contre son sein. Cependant les coups de pistolet et les cris des blessés signifiaient que nous avions reçu du secours, et que l’affaire était des plus sérieuses ; le soldat de Thérèse, saisi subitement de cette pusillanimité à laquelle on est assez ordinairement sujet après un combat amoureux, s’enfuit à travers le bois, au lieu de rejoindre ses camarades. Dès lors son parti fut pris. Il n’alla plus au régiment, et prenant une route détournée, il courut se cacher chez des parents qu’il avait dans un village éloigné d’une demi-journée du lieu de la catastrophe.

Les bonnes gens, à qui le jeune homme confia qu’il se trouvait malheureusement compromis dans une affaire où il y avait eu du monde de tué (il s’en doutait ; d’ailleurs, peu de jours après, le bruit de cette bagarre devint public), notre soldat, dis-je, ayant intéressé ses parents, obtint qu’ils sollicitassent en sa faveur auprès de son père. Celui-ci était un homme ferme, qui n’avait pas pris en bonne part que le polisson eût mis la main sur une somme et se fût fait soldat après l’avoir dissipée ; c’était bien pis lorsqu’il se trouvait englobé dans une affaire criminelle. Cependant ce bourgeois, qui était un fermier assez protégé, sacrifia de l’argent, accommoda les affaires de son fils, et obtint son congé.

Pendant que tout se négociait, l’infortuné jeune homme voyait croître de jour en jour un vilain mal qui se déclarait à la fois sous toutes les formes possibles. Les papiers attendus ne furent pas plus tôt arrivés que, craignant les effets d’un nouveau ressentiment de la part de son père, il repartit et vint à Paris : Bicêtre fut son refuge. Il se soumit à la barbare charité qu’on y exerce envers les malheureux que Vénus a trompés ; il eut le bonheur de soutenir le traitement et de guérir. Convalescent, il avait fait connaissance avec le Saint-Jean du vieux président, venu dans le même lieu, pour la même cause, dérivant de la même source. Les nouveaux amis, sortis ensemble du cruel purgatoire,