Page:Nerciat - Félicia.djvu/305

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ques soldats et se proposait de servir. Ceux-ci commirent quelques excès en route et furent, les uns tués, les autres dispersés. L’affaire s’était engagée à propos de quelques femmes de mauvaise vie : un galant homme qui voyageait délivra ces aventurières. Mais Monsieur votre fils leur ayant plu, elles l’enlevèrent et l’emmenèrent à Paris. Il a vécu quelque temps chez elles, où probablement il était gardé à vue : peu après, ce beau jeune homme a disparu. Ce qu’on peut supposer de plus modéré, c’est que ces malheureuses l’auront fait partir pour quelqu’une de nos colonies… »

Je me levai furieuse. — Quel insolent a pu vous écrire cette lettre, madame ? et vous-même, quelle audace peut vous porter à nous faire la lecture d’un écrit où vous ne doutez pas qu’on ait voulu nous désigner ? — Mme de Kerlandec, un peu déconcertée : Parlons tranquillement, s’il se peut, madame. — Non, madame, tout le monde n’a pas ce sang-froid avec lequel vous prenez à tâche de nous outrager ; apprenez, madame… — Entendons-nous, madame ; est-ce à vous que l’aventure avec ces soldats est arrivée ? est-ce à vous que mon fils… — Oui, madame, M. Monrose, votre fils, comme on n’en peut plus douter, c’est nous qui l’avons emmené à Paris. Il venait de se prêter à nous rendre service d’une manière qui lui faisait tout l’honneur possible ; il était avec des scélérats ; nous l’arrachâmes à cette détestable compagnie, il nous suivit de son plein gré… — Et qu’est devenu ce cher fils ?… — Il est heureux, madame, il est protégé de milord Sydney. — Juste Ciel ! mon fils au pouvoir du meurtrier de son père ! — Elle s’évanouit.

— Quel coup mortel pour un cœur tel que le mien, dit milord Sydney sortant du cabinet et joignant ses secours à ceux que nous prodiguions à la méfiante veuve. Elle ouvrit enfin les yeux ; mais apercevant milord, elle fit un cri perçant, et voulut s’échapper. — Cessez, cruelle Zéila, dit-il, la retenant et lui parlant avec une bonté qui faisait briller dans ce moment la tendresse et la générosité de son cœur,