Page:Nerciat - Félicia.djvu/308

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à témoin ces dames de la constance du vœu que j’avais fait de vous aimer toujours et de me conserver pour vous ; mais je me crus, je l’avoue, effacé de votre souvenir. Je préférais de craindre ce malheur à craindre que vous n’existiez plus. Votre silence… — Sydney ! pouvais-je imaginer moi-même qu’après votre combat avec ce forcené de Robert, que vous deviez soupçonner de n’avoir pas osé vous disputer ma conquête, sans avoir quelques droits… — Non, Zéila, je ne vous soupçonnais point. Je n’accusais de ce malheur que mon étoile funeste, je vous respectai. — Mon père me confina dans le fond de la basse Bretagne. Vous savez en quel état j’étais alors : nos malheurs furent fatals à l’enfant que je portais. Il était sans vie quand je le mis au monde. Mon beau-père m’ayant ensuite gardée à vue jusqu’à sa mort, comment aurais-je pu vous donner de mes nouvelles, quand même bravant les préjugés les plus forts… — Eh ! cruelle, lorsque vous épousâtes ce tigre, qui s’était fait à vos yeux un jouet de ma vie, songeâtes-vous à les respecter ces préjugés fanatiques ?… — J’en rougis, Sydney… Mais… Vous avez été cruellement vengé. — Ah ! si du moins le sort eût laissé vivre le fruit infortuné de nos premières amours ? Ce lien puissant et antérieur à de vains obstacles… Que vois-je, Zéila ? vos yeux se mouillent… votre embarras… Ciel ! quel nouvel aveu va me déchirer le cœur ou me transporter de joie ? Zéila, quelque chose d’intéressant vous presse !… n’hésitez plus. — Sydney ! — Ma chère Zéila ! — Je vous trompai dans ce temps, quand je vous assurai que notre fille ne vivait plus. — Dieu ! quelle heureuse espérance ! elle vit ! en quel lieu ? — Modérez une joie que le même instant va détruire. J’avais allaité pendant la traversée ma fille, heureusement douée d’une constitution robuste ; mais M. de Kerlandec, toujours cruel, m’en priva dès que nous fûmes débarqués, et bientôt après il essaya de me persuader que la petite était morte à la campagne, chez d’honnêtes laboureurs qui s’en étaient chargés. Cependant le refus de me nommer ces villageois et le lieu qu’ils habitaient me fit douter que le rapport de mon mari fût véri-