Page:Nerciat - Félicia.djvu/311

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pas au bonheur de retrouver à la fois son amant et ses deux enfants. Elle oubliait que j’avais excité sa jalousie ; que j’avais eu avec milord Sydney des rapports trop intimes. Cette corde délicate ne fut point touchée, elle ne l’a jamais été depuis. Elle donnait mille baisers au portrait de Monrose, pendant que Sydney, qui allait faire partir sur l’heure son valet de chambre, écrivait à son jeune ami de venir en diligence embrasser sa mère et sa sœur.

Surtout on avait eu la prudence de ne pas faire mention du comte. Ma mère se doutait bien qu’il était cet étranger qui demeurait avec nous. Elle devait être impatiente de savoir par quel hasard étonnant tous les êtres qui l’intéressaient pouvaient se trouver ainsi réunis. Cependant ces éclaircissements furent différés. Ma mère, en nous quittant, nous fit promettre devenir tous la voir le lendemain matin, pour passer ensemble le jour entier. Mon père la reconduisit.

Demeurée seule avec Sylvina, nous raisonnâmes à perte de vue sur la bizarrerie de mes aventures. — Milord Sydney, ton père !… Monrose ton frère !… disait-elle, mais je n’en reviens pas ! (Elle soupirait.) Il y a dans tout ceci bien du bonheur et du malheur mêlés. — Félicia ! tu te repentiras de n’avoir point de religion, de ne croire rien. Tu as commis de grandes fautes, heureusement que tu es jeune et tu as le loisir de les réparer… Crois-moi ; voici des événements qui font voir la main de la Providence étendue sur toi. Maintenant elle te comble de faveurs ; crains que bientôt elle ne te frappe…

Je bâillais ; l’heure de mon cher marquis approchait ; je mis fin à l’ennuyeux sermon et me retirant dans ma chambre j’y fis une méditation délicieuse, en attendant qu’un amant adoré vînt couronner, par ses charmants transports, le plus beau jour de ma vie.