Page:Nerciat - Félicia.djvu/85

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pour moi. Il est aisé de se persuader ce que l’on désire. Sylvina, interprétant ce que je disais à son avantage, me fit des remerciements infinis et me renouvela les plus vives protestations d’amitié. Je ne voulus point la désabuser, de peur de la mortifier ; cependant j’avais le plaisir de lui dire énigmatiquement que j’étais folle du chevalier ; mais loin de me comprendre, elle croyait de plus en plus qu’il m’était indifférent. Son dernier mot fut que je devais m’attacher à l’oncle, qui paraissait songer sincèrement à moi. — Je connais à fond monseigneur, disait-elle. C’est un homme solide dont l’âme est aussi belle que sa figure est intéressante. — Il est aussi très généreux, interrompis-je ; voyez comment son amour s’annonce. — Je montrai son cadeau. Sylvina fut émerveillée… Eh bien ! ajouta-t-elle, monseigneur est ton fait. Voilà l’homme qu’il faut aimer et rendre heureux.

On annonça Mme  d’Orville… Sylvina pâlit, l’autre se présenta avec l’air du monde le plus serein et le plus amical et dit qu’elle venait sans façon nous demander à dîner.




CHAPITRE XXX


Où ceux qui s’intéressent au beau chevalier
verront qu’il est beaucoup parlé de lui.


D’où vient cette mine sombre, ma chère Sylvina ? dit à celle-ci Mme  d’Orville, qu’elle ne recevait pas aussi bien que de coutume. Quoi donc ? Un joli freluquet doit-il nous brouiller ? Faut-il que tu me boudes avant de savoir si je refuse de me dessaisir en ta faveur ? Allons, de la gaieté ; je t’apporte de bonnes nouvelles. Premièrement, je te cède de toute mon âme l’honneur d’être ruinée et trahie à ton tour