Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/115

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On avait seulement mis à part un petit tableau sur cuivre, dans le goût du Corrège, représentant Vénus et l’Amour, des trumeaux de chasseresses et de satyres et une flèche que j’avais conservée en mémoire des compagnies de l’arc du Valois, dont j’avais fait partie dans ma jeunesse : les armes étaient vendues depuis les lois nouvelles. En somme, je retrouvais là à peu près tout ce que j’avais possédé en dernier lieu. Mes livres, amas bizarre de la science de tous les temps, histoire, voyages, religions, cabale, astrologie à réjouir les ombres de Pic de la Mirandole, du sage Meursius et de Nicolas de Cusa, — la tour de Babel en deux cents volumes, — on m’avait laissé tout cela ! Il y avait de quoi rendre fou un sage ; tâchons qu’il y ait aussi de quoi rendre sage un fou.

Avec quelles délices j’ai pu classer dans mes tiroirs l’amas de mes notes et de mes correspondances intimes ou publiques, obscures ou illustres, comme les a faites le hasard des rencontres ou des pays lointains que j’ai parcourus. Dans des rouleaux mieux enveloppés que les autres, je retrouve des lettres arabes, des reliques du Caire et de Stamboul. Ô bonheur ! ô tristesse mortelle ! ces caractères jaunis, ces brouillons effacés, ces lettres à demi froissées, c’est le trésor de mon seul amour… Relisons… Bien des lettres manquent, bien d’autres