Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/130

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sens de mes rêves, et cette inquiétude influa sur mes réflexions de l’état de veille. Je crus comprendre qu’il existait entre le monde externe et le monde interne un lien ; que l’inattention ou le désordre d’esprit en faussaient seuls les rapports apparents, — et qu’ainsi s’expliquait la bizarrerie de certains tableaux semblables à ces reflets grimaçants d’objets réels qui s’agitent sur l’eau troublée.

Telles étaient les inspirations de mes nuits ; mes journées se passaient doucement dans la compagnie des pauvres malades, dont je m’étais fait des amis. La conscience que désormais j’étais purifié des fautes de ma vie passée me donnait des jouissances morales infinies ; la certitude de l’immortalité et de la coexistence de toutes les personnes que j’avais aimées m’était arrivée matériellement, pour ainsi dire, et je bénissais l’âme fraternelle qui, du sein du désespoir, m’avait fait rentrer dans les voies lumineuses de la religion.

Le pauvre garçon de qui la vie intelligente s’était si singulièrement retirée recevait des soins qui triomphaient peu à peu de sa torpeur. Ayant appris qu’il était né à la campagne, je passais des heures entières à lui chanter d’anciennes chansons de village, auxquelles je cherchais à donner l’expression la plus touchante. J’eus le bonheur de voir qu’il les entendait et qu’il répétait certaines parties de ces