Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/165

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J’ai lu votre lettre, cruelle que vous êtes ! Elle est si douce et si indulgente que je ne puis que plaindre mon sort ; mais si je vous croyais comme autrefois coquette et perfide, je vous dirais comme Figaro, Madame : « Votre esprit se rit du mien ! » Cette pensée que l’on peut trouver un ridicule dans les sentiments les plus nobles, dans les émotions les plus sincères, me glace le sang et me rend injuste malgré moi. Oh non ! vous n’êtes pas comme tant d’autres femmes ! Vous avez du cœur et vous savez bien qu’il ne faut pas se jouer d’une véritable passion ! Vous croyez en Dieu, n’est-ce pas ? et vous devez songer, à de certaines heures, qu’il y a dans le monde une âme qui aurait le droit, un jour, de vous accuser devant lui[1].

Ah ! méfiez-vous ! non pas de votre cœur, qui

  1. Que j’ai pleuré en relisant quelques passages de cette lettre ; c’est ma condamnation que j’écrivais d’avance.
    Peut-on outrager ce qu’on aime ?
    Peut-on chercher à le fâcher ?
    C’est bien en vouloir à soi-même.