Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/169

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Je ne puis me remettre encore de l’étrange soirée que nous avons passée hier : que de bonheur et d’amertume ensemble dans ce souvenir ! Je voudrais pouvoir m’écrier comme Saint-Preux : « Mon Dieu ! vous m’avez donné une âme pour la souffrance ; donnez-m’en une pour la joie ! » Mais je suis aussi mécontent de moi-même que reconnaissant envers vous. Que vous écrirai-je, à présent ? Mon âme est bouleversée… Il y a comme un cercle de fer autour de mon front ; je vous demande un jour pour me reconnaître ; il me faut un jour, au moins, pour me reposer de mes émotions. Que vous dirais-je d’ailleurs de ma journée ? Elle ressemble à la plupart des autres ; j’ai marché longtemps pour apaiser mon ardeur que je ne puis dompter que par la fatigue, mon inquiétude dont je ne puis sortir que par l’abrutissement. J’ai marché longtemps. Faut-il vous affliger encore de mon tourment ou vous effrayer de mes agitations ? Non ! j’ai tant de choses à vous dire encore, que