Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’aucun de ces crimes qu’une femme ne peut pardonner et, vous l’avouerai-je, l’excès même de votre ressentiment m’a découragé moins que n’eût fait le dédain d’une âme indifférente. J’aurais perdu tout espoir si vous m’eussiez quitté par ennui, par fatigue, ou par la diversion d’un autre attachement ; mais rien de tout cela ! Mon amour a été tranché dans le vif ; il y a une blessure et non une plaie. Je ne puis me rappeler ce jour fatal sans penser à la veille, si belle et si enivrante qu’il eût fallu mourir après. Mon Dieu ! notre pauvre lune de miel n’a guère eu qu’un premier quartier… et vous me connaissez si peu encore, que vous ne m’avez ni bien compris jusqu’ici, ni bien jugé. Vos injustices en seraient une preuve déjà. Oh ! daignez interroger votre cœur et vous vous direz qu’il y a malgré tout quelque chose qui bat encore pour moi, que tous ces hommes qui vous ont entourée depuis quelque temps sont plus riches et plus beaux, mais n’ont pas cette âme, cet esprit même que vous aviez su distinguer, qu’ils sont frivoles surtout et aussi incapables d’aimer que de sentir en eux l’ambition des grandes choses. Ah ! l’amour et l’art nous réuniront malgré tout ! Vous sentirez que toutes ces relations brillantes laissent un côté vide dans le cœur, que c’est beaucoup d’avoir rencontré un ami fidèle, soumis, dont l’affection se