Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/83

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me semblait reconnaître, dominait ce pays désolé. J’allais et je revenais par des détours inextricables. Fatigué de marcher entre les pierres et les ronces, je cherchais parfois une route plus douce par les sentes du bois. — On m’attend là-bas ! pensais-je. Une certaine heure sonna… Je me dis : « Il est trop tard ! » Des voix me répondirent : « Elle est perdue ! »

Une nuit profonde m’entourait, la maison lointaine brillait comme éclairée pour une fête et pleine d’hôtes arrivés à temps. — Elle est perdue ! m’écriai-je, et pourquoi ?… Je comprends, — elle a fait un dernier effort pour me sauver ; — j’ai manqué le moment suprême où le pardon était possible encore. Du haut du ciel, elle pouvait prier pour moi l’Époux divin… Et qu’importe mon salut même ? L’abîme a reçu sa proie ! Elle est perdue pour moi et pour tous !… Il me semblait la voir comme à la lueur d’un éclair, pâle et mourante, entraînée par de sombres cavaliers… Le cri de douleur et de rage que je poussai en ce moment me réveilla tout haletant.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! pour elle et pour elle seule ! Mon Dieu, pardonnez ! m’écriai-je en me jetant à genoux.

Il faisait jour. Par un mouvement dont il m’est difficile de rendre compte, je résolus aussitôt de