Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/86

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affligée dans sa vie, n’ayant dû un dernier regard de pardon qu’à sa douce et sainte pitié.

La nuit suivante, je ne pus dormir que peu d’instants. Une femme, qui avait pris soin de ma jeunesse, m’apparut dans le rêve et me fit reproche d’une faute très grave que j’avais commise autrefois. Je la reconnaissais, quoiqu’elle parût beaucoup plus vieille que dans les derniers temps où je l’avais vue. Cela même me faisait songer amèrement que j’avais négligé d’aller la visiter à ses derniers instants. Il me sembla qu’elle me disait : « — Tu n’as pas pleuré tes vieux parents aussi vivement que tu as pleuré cette femme. Comment peux-tu donc espérer le pardon ? » Le rêve devint confus. Des figures de personnes que j’avais connues en divers temps passèrent rapidement devant mes yeux. Elles défilaient, s’éclairant, pâlissant et retombant dans la nuit comme les grains d’un chapelet dont le lien s’est brisé. Je vis ensuite se former vaguement des images plastiques de l’antiquité qui s’ébauchaient, se fixaient et semblaient représenter des symboles dont je ne saisissais que difficilement l’idée. Seulement, je crus que cela voulait dire : « Tout cela était fait pour t’enseigner le secret de la vie, et tu n’as pas compris. Les religions et les fables, les saints et les poètes s’accordaient à expliquer l’énigme fatale,