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midi était occupé par des séances d’électricité. On dînait ensuite à une vaste table ronde dans une salle éclairée par trois cent soixante-six lampions. Un héraut, vêtu d’un costume de Bayard, précédait, la lance à la main, les quatorze services, conduits par La Reynière lui-même en habit noir. Un cortège de cuisiniers et de pages accompagnait les mets servis dans d’énormes plats d’argent, et de jolies servantes en costumes romains, placées près des convives, leur présentaient de longues chevelures pour y essuyer leurs doigts.

XVIII

RESTIF COMMUNISTE — SA VIE PENDANT LA RÉVOLUTION

On sait maintenant sur la vie étrange de Restif tout ce qu’il faut pour le classer assurément parmi ces écrivains que les Anglais appellent excentriques. Aux détails caractéristiques indiqués çà et là dans notre récit, il est bon d’ajouter quelques traits particuliers. Restif était d’une petite taille, mais robuste et quelque peu replet. Dans ses dernières années, on parlait de lui comme d’une sorte de bourru, vêtu négligemment et d’un abord difficile. Le chevalier de Cubières sortait un jour de la Comédie-Française ; en chemin il s’arrêta chez la veuve Duchesne pour acheter la pièce à la mode. Un homme se tenait debout au milieu de la boutique avec un grand chapeau rabattu qui lui couvrait la moitié de la figure. Un manteau de très-gros drap noirâtre lui descendait jusqu’à mi-jambe ; il était sanglé au milieu du corps, avec quelque prétention sans doute à diminuer son embonpoint. Le chevalier l’examinait curieusement. Cet homme tira de sa poche une petite bougie, l’alluma au comptoir, la mit dans une lanterne, et sortit sans regarder ni saluer personne. Il demeurait alors dans la maison.