Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de fougue triviale avec les plus hardis explorateurs des misères de bas étage ! Son écriture se ressent du désordre de son imagination ; elle est irrégulière, vagabonde, illisible ; les idées se présentent en foule, pressent la plume, et l’empêchent de former les caractères. C’est ce qui le rendait ennemi des doubles lettres et des longues syllabes, qu’il remplaçait par des abréviations. Le plus souvent, comme on sait, il se bornait à composer à la casse son manuscrit. Il avait fini par acquérir une petite imprimerie où il casait lui-même ses ouvrages, aidé seulement d’un apprenti.

La Révolution ne pouvait lui être chère d’aucune façon, car elle mettait en lumière des hommes politiques fort peu sensibles à ses plans philanthropiques, plus préoccupés de formules grecques et romaines que de réformes fondamentales. Babeuf aurait pu seul réaliser son rêve ; mais, découragé de ses propres plans à cette époque, Restif ne marqua aucune sympathie pour le parti du tribun communiste. Les assignats avaient englouti toutes ses économies, qui ne se montaient pas à moins de soixante-quatorze mille francs, et la nation n’avait guère songé à remplacer, pour ses ouvrages, les souscriptions de la cour et des grands seigneurs dont il avait usé abondamment. Toutefois Mercier, qui n’avait pas cessé d’être son ami, fit obtenir à Restif une récompense de deux mille francs pour un ouvrage utile aux mœurs, et le proposa même pour candidat à l’Institut national. Le président répondit dédaigneusement :

— Restif de la Bretonne a du génie, mais il n’a point de goût.

— Eh ! messieurs, répliqua Mercier, quel est celui de nous qui a du génie ?

On rencontre dans les derniers livres de Restif plusieurs récits des événements de la Révolution. Il en rapporte quelques scènes dialoguées dans le cinquième volume du Drame de la Vie. Il est à regretter que ce procédé n’ait pas été suivi plus complètement. Rien n’est saisissant comme cette réalité prise