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III

LES MOIS

Le paradoxe de Quintus Aucler finit ainsi :

« Français et Belges, races gauloises et celtiques, vous vous êtes débarrassés enfin du culte où s’étaient rattachés les barbares ; cependant, tout peuple a besoin d’une religion positive. Qu’étiez-vous donc avant l’apostasie de Clovis ? Vous apparteniez à ce grand empire romain dont vous êtes les démembrements et qui était venu répandre parmi vous la civilisation et les lumières de la pensée et des arts, qui vous avait donné l’organisation communale et vous avait faits citoyens de la grande unité romaine. Votre langue, votre éducation et vos mœurs l’attestent encore aujourd’hui : par conséquent, délivrés désormais de l’obstacle, vous devez songer à vous régénérer pour être dignes de rappeler sur vos provinces la faveur des douze grands Dieux. Cette chaîne éternelle qui lie notre monde au pied de Jupiter n’est point rompue, mais obscurcie à vos regards par les nuées de l’ignorance. Les dieux trônent toujours dans leurs astres étincelants, ils président à vos destinées et, les ayant rendues fatales, ils les rendront bienheureuses lorsque vos prières auront rétabli l’accord des cieux et de la terre. Adressez-vous aux dieux d’abord, comme on fait les Codrus et les Décius, par la formule du dévouement. Les poètes en ont écrit l’hymne sacré :

Cui dabit partes scelus expiandi
Jupiter ? Tandem venias precamur
Nube candentes humeros amictus
Augur Apollo[1].

« Apollon vous pardonnera d’avoir méconnu sa lumière spi-

  1. À qui Jupiter donnera-t-il l’emploi d’expier le crime ? Venez, divin augure Apollon, les épaules revêtues d’une nuée brillante.