Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/63

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et on la remplaça au presbytère par une dévote à la taille robuste qui s’appelait sœur Pilon.

Conduit par son père à Auxerre, peu de deux jours après, Nicolas alla dîner une seconde fois chez Mme Jeudi, la marchande janséniste, amie de leur famille. La tranquillité de cette maison n’avait pas été moins troublée que celle du presbytère de Courgis. La jeune marié était en pénitence et parut à table avec une grosse coiffe et des cornes de papier. Son crime était de s’être dérobée à la double surveillance de Mme Jeudi et de sa grande nièce d’une manière que rendait évidente le raccourcissement de sa jupe, et cela, sans la permission de sa mère. Le gendre avait été renvoyé à ses parents comme un libertin et un corrupteur. Mme Jeudi s’écriait à tout moment en pleurant : « Ma fille s’est souillée une seconde fois du péché originel ! » Cependant, le gendre, moins timide que par le passé, plaidait pour avoir sa femme et pour toucher sa dot.

VI

L’APPRENTISSAGE

L’imprimerie de M. Parangon, à Auxerre, se trouvait près du couvent des Cordeliers. Les presses étaient au rez-de-chaussée, les casses dans une grande salle au-dessus. Les premières fonctions qui furent confiées à Nicolas n’avaient rien d’attrayant ; il s’agissait principalement de ramasser dans les balayures les caractères tombés sous les pieds des compagnons, de les recomposer ensuite, puis de les recaser ; il fallait aussi faire les commissions de trente-deux ouvriers, puiser de l’eau pour eux, et subir toutes leurs fantaisies grossières. L’amoureux de la belle Jeannette Rousseau, l’élève des jansénistes acceptait ces humiliations avec peine ; cependant son intelligence, son goût pour le travail, et surtout la connaissance qu’il avait du latin, ne tardèrent pas à le faire respecter des compositeurs. Il y avait quelques livres dans le cabinet du