Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/65

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charmes ; il la faisait chérir quand la différence de sexe ne forçait pas à l’adorer. »

Telle était Mme Parangon, mariée depuis peu de temps, et dont l’époux paraissait peu digne d’une si aimable compagne. Dans les premiers temps de son apprentissage, Nicolas, se trouvant seul un dimanche à garder l’atelier, avait entendu des cris de femme qui partaient du cabinet de M. Parangon. Il s’y précipita, et vit Tiennette, la servante, aux genoux du patron, qu’elle suppliait d’épargner son honneur.

— Vous êtes bien hardi, cria ce dernier, d’entrer où je suis ! Retirez-vous.

L’attitude de Nicolas fut assez résolue pour faire fléchir le maître et pour donner à Tiennette le temps de s’enfuir. M. Parangon, un peu honteux au fond, chercha alors à donner le change aux soupçons trop fondés de son apprenti.

Nicolas était à son travail quand on vint annoncer : « Madame est revenue ! » Il travaillait encore, le nez dans la poussière, à ramasser des lettres, des espaces et des cadratins. Il n’eut que le temps de faire sa toilette dans un seau et de descendre au rez-de-chaussée, où se pressait la foule des ouvriers. Mme Parangon, qui faisait attention à tout le monde et avait un regard, un mot obligeant pour chacun, ne tarda pas à distinguer Nicolas.

— C’est le nouvel élève ? dit-elle au prote.

— Oui, madame, répondit ce dernier… Il fera quelque chose.

— Mais on ne le voit pas, dit Mme Parangon, pendant que le jeune homme, après son salut, se perdait de nouveau à la foule.

— Le mérite est modeste, observa un des ouvriers avec quelque ironie.

L’apprenti reparut en rougissant.

— Monsieur Nicolas, reprit Mme Parangon, vous êtes le fils d’un ami de mon père ; méritez aussi d’être notre ami…