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Des Transfuges.
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1.

Hélas ! comme tout ce qui, naguère, sur cette prairie, était encore vert et coloré est déjà fané et gris maintenant ! Et combien de miel d’espérance ai-je porté d’ici à ma ruche !

Tous ces jeunes cœurs sont déjà devenu vieux, — et pas même vieux ! fatigués seulement, communs et commodes : — ils expliquent cela en disant : « Nous sommes redevenus pieux. »

Naguère encore je les vis à la première heure marcher sur des jambes courageuses : mais leurs jambes de la connaissance se sont fatiguées, et maintenant ils calomnient même encore leur bravoure du matin.

En vérité plus d’un élevait jadis encore les jambes comme un danseur, le rire lui faisait signe dans ma sagesse. — alors il se mit à réfléchir. Je viens de le voir courbé — rampant vers la croix.

Ils voltigeaient jadis autour de la lumière et de la liberté, comme font les moucherons et de jeunes poètes. Un peu plus vieux, un peu plus froids : et déjà ils sont assis derrière le poêle, comme des calotins et des cagots.