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Cette journée est une victoire : il recule déjà, il fuit, l’esprit de la lourdeur, mon vieil ennemi mortel ! Comme elle veut bien finir cette journée qui a si mal et si malignement commencé !

Et elle veut finir. Déjà vient le soir : il passe à cheval sur la mer, le bon cavalier ! Comme il se balance, le bienheureux, qui revient sur sa selle de pourpre !

Le ciel regarde avec sérénité, le monde s’étend profond : ô vous tous, hommes singuliers qui êtes venus auprès de moi, il vaut la peine de vivre auprès de moi ! »

Ainsi parlait Zarathoustra. Et alors les cris et les rires des hommes supérieurs résonnèrent de nouveau de la caverne : or, Zarathoustra, commença derechef :

« Ils mordent, mon amorce fait de l’effet, chez eux aussi l’ennemi fuit, l’esprit de la lourdeur. Déjà ils apprennent à rire d’eux-mêmes : est-ce que j’entends bien ?

Ma nourriture d’hommes fait de l’effet, mes maximes savoureuses et rigoureuses : et, en vérité, je ne les ai pas nourris avec des légumes qui gonflent. Mais avec une nourriture de guerriers, une nourriture de conquérants : j’ai éveillé de nouveaux désirs.

Il y a de nouveaux espoirs dans leurs bras et dans leurs jambes, leur cœur s’étire. Ils trouvent des mots nouveaux, bientôt leur esprit respirera la pétulance.

Je comprends que cette nourriture ne soit pas pour les enfants, ni pour les petites femmes langoureuses, jeunes et vieilles. Il faut d’autres moyens pour convaincre leurs intestins ; je ne suis pas leur médecin et leur maître.

Le dégoût quitte ces hommes supérieurs : eh bien ! cela est ma victoire. Dans mon royaume, ils se sentent en sécurité, toute honte bête s’enfuit, ils s’épanchent.