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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

En vérité, vous ne pouviez porter de meilleur masque que votre propre visage, hommes actuels ! Qui donc saurait vous — reconnaître ?

Barbouillés des signes du passé que recouvrent de nouveaux signes : ainsi que vous êtes bien cachés de tous les interprètes !

Et si l’on savait scruter les entrailles, à qui donc feriez-vous croire que vous avez des entrailles ? Vous semblez pétris de couleurs et de bouts de papier collés ensemble.

Tous les temps et tous les peuples jettent pêle-mêle un regard à travers vos voiles ; toutes les coutumes et toutes les croyances parlent pêle-mêle à travers vos attitudes.

Celui qui vous ôterait vos voiles, vos surcharges, vos couleurs et vos attitudes n’aurait plus devant lui que de quoi effrayer les oiseaux.

En vérité, je suis moi-même un oiseau effrayé qui, un jour, vous a vus nus et sans couleurs ; et je me suis enfui lorsque ce squelette m’a fait des gestes d’amour.

Car je préférerais être manœuvre dans l’enfer et chez les ombres du passé ! — Les habitants de l’enfer ont plus de consistance que vous !

C’est pour moi l’amertume de mes entrailles de ne pouvoir vous supporter ni nus, ni habillés, vous autres hommes actuels !

Tout ce qui est inquiétant dans l’avenir, et tout ce qui a jamais épouvanté des oiseaux égarés, ins-