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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

petites gens il faut de petites vertus — et parce que je n’arrive pas à comprendre que l’existence des petites gens soit nécessaire !

Je ressemble au coq dans une basse-cour étrangère que les poules mêmes poursuivent à coups de bec ; mais je n’en veux pas à ces poules à cause de cela.

Je suis poli envers elles comme envers tous les petits désagréments ; être épineux envers les petits me semble une sagesse digne des hérissons.

Ils parlent tous de moi quand ils sont assis le soir autour du foyer, — ils parlent de moi, mais personne ne pense — à moi !

C’est là le nouveau silence que j’ai appris à connaître : le bruit qu’ils font autour de moi déploie un manteau sur mes pensées.

Ils potinent entre eux : « Que nous veut ce sombre nuage ? Veillons à ce qu’il ne nous amène pas une épidémie ! »

Et dernièrement une femme tira contre elle son enfant qui voulait s’approcher de moi : « Éloignez les enfants ! cria-t-elle ; de tels yeux brûlent les âmes des enfants. »

Ils toussent quand je parle : ils croient que la toux est une objection contre les grands vents, — ils ne devinent rien du bruissement de mon bonheur !

« Nous n’avons pas encore le temps pour Zarathoustra, » — voilà leur objection ; mais qu’importe un temps qui « n’a pas le temps » pour Zarathoustra ?