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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

en se mettant sur son séant, tu me regardes ? Tu écoutes mon âme singulière ?

Quand boiras-tu cette goutte de rosée qui est tombée sur toutes les choses de ce monde, — quand boiras-tu cette âme singulière —

— quand cela, puits de l’éternité ! joyeux abîme de midi qui fait frémir ! quand absorberas-tu mon âme en toi ?

Ainsi parlait Zarathoustra et il se leva de sa couche au pied de l’arbre, comme d’une ivresse étrange, et voici le soleil était encore au-dessus de sa tête. On pourrait en conclure, avec raison, qu’en ce temps-là Zarathoustra n’avait pas dormi longtemps.



LA SALUTATION


Il était déjà très tard dans l’après-midi, lorsque Zarathoustra, après de longues recherches infructueuses et de vaines courses, revint à sa caverne. Mais lorsqu’il se trouva en face d’elle, à peine éloigné de vingt pas, il arriva ce à quoi il s’attendait le moins à ce moment : il entendit de nouveau le grand cri de détresse. Et, chose étrange ! à ce moment le cri venait de sa propre caverne. Mais c’était un long cri, singulier et multiple, et Zarathoustra distinguait parfaitement qu’il se composait de beau-