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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

Tu n’es pas libre encore, tu cherches encore la liberté. Tes recherches t’ont rendu noctambule et trop lucide.

Tu veux monter librement vers les hauteurs et ton âme a soif d’étoiles. Mais tes mauvais instincts, eux aussi, ont soif de la liberté.

Tes chiens sauvages veulent être libres ; ils aboient de joie dans leur cave, quand ton esprit tend à ouvrir toutes les prisons.

Pour moi, tu es encore un prisonnier qui aspire à la liberté : hélas ! l’âme de pareils prisonniers devient prudente, mais elle devient aussi rusée et mauvaise.

Pour celui qui a délivré son esprit il reste encore à se purifier. Il demeure en lui beaucoup de contrainte et de bourbe : il faut que son œil se purifie.

Oui, je connais le danger que tu cours. Mais par mon amour et mon espoir, je t’en conjure : ne jette pas loin de toi ton amour et ton espoir !

Tu te sens encore noble, et les autres aussi te tiennent pour noble, ceux qui t’en veulent et qui te regardent d’un mauvais œil. Sache qu’ils ont tous quelqu’un de noble dans leur chemin.

Les bons, eux aussi, ont tous quelqu’un de noble dans leur chemin : et quand même ils l’appelleraient bon, ce ne serait que pour le mettre de côté.

L’homme noble veut créer quelque chose de neuf et une nouvelle vertu. L’homme bon désire les choses vieilles et que les choses vieilles soient conservées.