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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

l’homme est l’être libre dans le monde de la nécessité, l’éternel faiseur de miracles, qu’il fasse le bien ou le mal, l’étonnante exception, le sur-animal, le quasi-Dieu, le sens de la création, celui qu’on ne peut supprimer par la pensée, le mot de l’énigme cosmique, le grand dominateur de la nature et son grand contempteur, l’être qui nomme son histoire l’histoire universelle ! — Vanitas vanitatum homo.

13.

Dire deux fois les choses. — Il est bon d’exprimer tout de suite une chose doublement et de lui donner un pied droit et un pied gauche. La vérité peut, il est vrai, se tenir sur un pied ; mais sur deux elle marchera et fera son chemin.

14.

L’homme comédien du monde. — Il faudrait des êtres plus spirituels que n’est l’homme, rien que pour goûter à fond l’humour qui réside en ce que l’homme se regarde comme la fin de tout l’univers, et que l’humanité déclare sérieusement ne pas se contenter de moins que de la perspective d’une mission universelle. Si un Dieu a créé le monde, il a créé l’homme pour être le singe de Dieu, comme un perpétuel sujet de gaîté dans ses éternités un peu trop longues. L’harmonie des sphères autour de la terre pourrait alors être les éclats de rire de tout le reste des créatures qui entourent l’homme. La douleur sert à cet immortel ennuyé à chatouiller son animal favori, pour prendre son plaisir à ses attitudes fièrement tragiques et aux explications de