Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

quelconque de Gœthe ! (tandis que Schiller a certainement travaillé à cette histoire et peut-être un peu Lessing.) Mais que dire de ces cinq autres ! Klopstock vieillit déjà de son vivant d’une façon très vénérable, et si foncièrement que le livre réfléchi de ses années de vieillesse, sa République des Savants, n’a été jusqu’aujourd’hui prise au sérieux par personne. Herder eut le malheur d’écrire des ouvrages qui étaient toujours trop neufs ou déjà vieillis ; pour les esprits plus subtils et plus forts (comme pour Lichtenberg), l’œuvre principale de Herder, ses Idées sur l’histoire de l’humanité, par exemple, avait quelque chose de suranné dès son apparition. Wieland qui, abondamment, avait vécu et engendré la vie, prévint, en homme avisé, la diminution de son influence par la mort. Lessing subsiste peut-être encore aujourd’hui — mais parmi les savants jeunes et toujours plus jeunes ! Et Schiller est sorti maintenant des mains des jeunes gens pour tomber dans celles des petits garçons, de tous les petits garçons allemands ! C’est, pour un livre, une façon connue de vieillir, que de descendre à des âges de moins en moins mûrs. — Et qu’est-ce qui a refoulé ces cinq écrivains, de sorte qu’ils ne sont plus lus par les hommes laborieux d’une instruction solide ? Le goût meilleur, la réflexion plus mûre, la plus grande estime du vrai et du véritable : c’est-à-dire des vertus qui ont été implantées de nouveau en Allemagne par ces cinq, précisément (et par dix ou vingt autres, moins éclatants), et qui maintenant, en forêt somptueuse, étendent sur leur propre tombe l’ombre de la vénération, et