Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 2.djvu/162

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la religion païenne, la beauté, la connaissance, et à peu près toute chose).

364.

Veut-on la preuve la plus éclatante qui démontre jusqu'où va la force transfiguratrice de l'ivresse ? - L'" amour " fournit cette preuve, ce que l'on appelle l'amour dans tous les langages, dans tous les silences du monde. Là l'ivresse s'accommode de la réalité à un point que, dans la conscience de celui qui aime, la cause est effacée et que quelque chose d'autre semble se trouver à la place de celle-ci, - un scintillement et un éclat de tous les miroirs magiques de Circé... Ici l'homme et l'animal ne font point de différence; et moins encore l'esprit, la bonté, l'équité... On est subtilement dupé lorsqu'on est subtil; on est grossièrement dupé lorsque l'on est grossier: mais l'amour, l'amour de Dieu lui-même, l'amour de saint des " âmes rachetées ", demeure un dans sa racine: c'est une fièvre qui possède des raisons pour se transfigurer, une ivresse qui fait bien de mentir au sujet d'elle-même... Et, dans tous les cas, l'on ment bien lorsque l'on aime, on ment devant soi-même et au sujet de soi-même: on semble se transfigurer, devenir plus fort, plus riche, plus parfait, on est plus parfait... Nous trouvons ici l'art comme fonction organique: nous le trouvons incrusté dans l'instinct angélique de l'" amour "; nous voyons en lui le plus grand stimulant