Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 2.djvu/246

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Contre John Stuart Mill. - Je déteste cette vulgarité qui dit: " Ce qui plaît aux uns convient aux autres "; " Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas, etc. "; qui veut fonder tous les rapports humains sur une réciprocité des services rendus, en sorte que chaque action apparaît comme une espèce de payement en retour d'un bienfait. Ici les conditions premières manquent de noblesse, dans le sens le plus strict; ici, l'on prévoit que, de moi à toi, il y a équivalence dans la valeur des actes; ici la valeur personnelle d'une action est simplement annulée (ce que rien ne peut compenser ni acquitter). - La " réciprocité " est quelque chose de profondément vulgaire; c'est justement cette circonstance qu'une chose que je fais ne peut et ne doit pas être faite par un autre, qu'il ne peut pas y avoir d'équivalence - (sauf dans la sphère choisie des " égaux ", inter pares), - que, dans un sens plus profond, on ne rend jamais rien, parce que l'on est soi-même quelque chose qui n'arrive qu'une seule fois et qui n'agit qu'une fois dans le même sens, - c'est cette conviction fondamentale qui renferme la cause de l'isolement aristocratique, loin de la foule, car la foule croit à l'" égalité ", et, par conséquent, à la compensation et à la " réciprocité ".