Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 2.djvu/276

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du courage, de la dureté à l'égard de soi-même... Une pareille philosophie expérimentale, telle que je l'ai vécue, anticipe même, à l'essai, les possibilités du nihilisme par principe: sans vouloir dire par là qu'elle puisse s'arrêter à une négation, à un non, à la volonté de la négation. Elle veut plutôt pénétrer jusqu'au contraire - jusqu'à une affirmation dionysienne du monde, tel qu'il est, sans défalcation, sans exception et sans choix -, elle veut l'éternel mouvement circulaire: les mêmes choses, le même illogisme de l'enchaînement. Etat supérieur qu'une philosophie puisse atteindre: être dionysien en face de l'existence. Ma formule pour cela est amor fati.

Il faut pour cela considérer le côté jusqu'à présent nié de l'existence non seulement comme nécessaire, mais encore comme désirable: et, non seulement comme désirable par rapport au côté affirmé jusqu'ici (à peu près comme son complément et sa condition première), mais encore à cause de lui-même, étant le côté le plus puissant, le plus redoutable, le plus vrai de l'existence, le côté où sa volonté s'exprime le plus exactement.

Il faut encore évaluer le côté de l'existence affirmé seul jusqu'ici; comprendre d'où vient cette évaluation et combien peu elle engage à une appréciation dionysienne de l'existence: j'ai dégagé et j'ai compris ce qui ici affirme en somme (l'instinct de ceux qui souffrent d'une part, l'instinct du troupeau