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LE GAI SAVOIR

affaire au plus actif ; il faudrait des générations de savants, travaillant selon un plan commun, pour épuiser les différents points de vue et l’ensemble de la matière. Il en est de même pour la démonstration des motifs qui amenèrent la variété des climats moraux ( « pourquoi tel soleil d’un jugement fondamental et d’une évolution morale luit-il ici — et là tel autre ? » ) Et c’est encore un travail nouveau qui détermine ce qu’il y a d’erroné dans tous ces motifs et qui établit toute l’essence des jugements moraux portés jusqu’à présent. En supposant que tous ces travaux fussent faits, ce serait alors au tour de la plus épineuse de toutes les questions de venir au premier plan : la question de savoir si la science est à même de donner des buts nouveaux à l’activité de l’homme, après avoir donné la preuve qu’elle peut en enlever et en détruire — et alors ce serait la place d’une expérimentation qui pourrait satisfaire toute espèce d’héroïsme, d’une expérimentation de plusieurs siècles qui laisserait dans l’ombre tous les grands travaux et tous les grands sacrifices que l’histoire nous a fait connaître jusqu’à ce jour. Jusqu’à présent l’histoire n’a pas encore édifié ses constructions de cyclope ; pour cela aussi le temps viendra.

8.

Vertus inconscientes. — Toutes les qualités personnelles dont un homme a conscience — et surtout lorsqu’il suppose aussi leur visibilité et leur éloquence pour son entourage — sont soumises à de