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PAUVRE AME, TU GÉMIS…



Pauvre âme, tu gémis ! Oui, la guerre interpose
Entre la nue et toi ses sanglantes cloisons.
La bonté, dans les cieux, fait une immense pause ;
Le monde est obscurci d’une épaisse saison.
Et pourtant, à travers l’humaine déraison,
L’Amour, épars et sûr, respire en toutes choses !

Où veux-tu qu’il ait fui, lui, l’être universel,
Lui, saturation et principe des mondes,
Lui, joint à tout humain comme la mer au sel,
Agitateur divin qui transforme et qui fonde,
Et qui, de corps en corps, fait le souffle éternel ?

Attends ! Quelle que soit l’inique destinée
Qui, de ces beaux vivants, fit des milliers de morts,
L’éther débordera de claires matinées,
Les fleurs se dissoudront en odorants transports :
L’amour, c’est l’infini, l’air, l’espace, le temps ;
Songe à cela, pauvre âme, espère, endure, attends…


Mai 1917.