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SAVOIR AIMER


Tout plein des arguments dont l’esprit se repaît,
Tu fais, pour savourer ta gloire monotone,
Taire ta conscience à l’heure où le ciel tonne.

Si pourtant à ce prix tu manges à ta faim
Si tu dors calme, au creux de l’oreiller facile,
Ecoute ta science et reste-lui docile,

Si ta libre raison la plus forte à la fin
Respire au coup mortel porté par elle au doute,
Pareil, au Juif errant, homme, poursuis ta route.

Sois content sans ton âme, et joyeux sans ton cœur,
Sois ton corps tyrannique et sois ta bête fauve

Fais tes traits durs et froids, fais ton front vaste et chauve.


Mais si ton fruit superbe engraisse un ver vainqueur,
Si tu bâilles, les soirs larmoyants, sous ta lampe
Tâche de réfléchir, pose un doigt sur ta tempe.

Si tu n’as toujours pas trouvé sur ton chemin
Qu’assourdit la rumeur des sabres et des chaînes
Repos pour tes amours, et cesse pour tes haines ;

Si ton bâton usé tâtonne dans ta main
Pauvre aveugle tremblant, qui portes une sourde,
La Femme, chaque jour plus énorme et plus lourde :

Si l’enfant ancien sommeille encore en toi,
Gardant le souvenir de la faute première
Dis : « J’ai le dos tourné peut-être à la Lumière » ;