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DIT NOVALIS.

s’approchaient le plus, par leur bizarrerie, de ses idées fondamentales sur la poésie : il leur trouvait un sens profond, qu’il cherchait à exprimer dans ses poésies avec beaucoup de variété. Chose étrange, il était parvenu à regarder comme miraculeuses les choses les plus ordinaires qui se passaient autour de lui, tandis que tout ce qu’il y avait d’extraordinaire, de surnaturel, lui paraissait naturel et ordinaire. C’est ainsi que la vie qu’il menait lui paraissait un conte merveilleux, et que ces régions inconnues, que la plupart des hommes représentent comme une chose douteuse et impossible à comprendre, étaient comme son séjour habituel et chéri. Il trouva ainsi, sans imiter les autres, une nouvelle route. Par sa manière de considérer l’amour, par sa foi en celle qui lui était en même temps maîtresse, sagesse, religion, et parce qu’un seul et grand moment de sa vie, une douleur profonde, une perte devint l’essence de sa vie intérieure, de sa poésie, il ne ressemble parmi tous les modernes qu’au seul Dante. Il lui ressemble en outre sous beaucoup de rapports, mais surtout par son style. Sa poésie, comme celle de ce poète sublime, est mystique, difficile à comprendre, et bien différente de celle de ces imitateurs ineptes, qui croient pouvoir se servir du mysticisme comme d’un habit, qu’on peut ôter et reprendre à volonté. Son roman de Henri d’Ofterdingen est, sans qu’il en ait eu toujours la conscience, la peinture fidèle de ce qui se passait dans son intérieur et celle des événemens de sa vie. C’est ainsi qu’il fait dire à son Henri dans un fragment qu’il nous a laissé du second volume : « L’âme (notre intérieur) et la destinée, deux expressions qui signifient la même chose. » Il n’est donc pas étonnant si sa vie même nous paraît merveilleuse, surtout quand nous apprenons encore que de sa nombreuse famille il ne reste plus que deux frères, et que sa noble mère pleure dans la solitude la perte de ce qu’elle avait de plus cher au monde, et supporte sa douleur avec une résignation que la religion seule peut donner. »

C.